Warren Levy art — Les Soldats de Combas : guerre pop et tragédie burlesque
Robert Combas, chef de file de la figuration libre, a su imposer une œuvre foisonnante, engagée, radicalement affranchie des codes classiques. Avec Les Soldats de Combas, série amorcée à la fin des années 1980, il livre une vision cinglante de la guerre. L’artiste y conjugue dérision, violence et critique sociale dans un langage plastique intensément expressif.
Cette série met en scène des figures militaires grotesques, plongées dans un univers saturé de signes, de couleurs et de slogans. Loin d’une glorification du combat, Combas transforme le champ de bataille en un théâtre absurde. Ses soldats, caricaturaux, évoluent dans des compositions denses, parfois illisibles, où règnent l’excès et la confusion.
L’esthétique de l’excès comme dispositif critique

Robert Combas
Le soldat est un homme sérieux et rigolard, il peut changer sa tête et l’échanger contre des bouts de ficelle, tellement il est malheureux, il se met la tête entre les jambes, à gauche P.C., à droite Chirac et entre les jambes Sergent Garcia, 1985
Chaque toile agit comme une déflagration visuelle. Les couleurs sont franches, souvent violentes. Les formes se chevauchent, les motifs s’enchevêtrent. Les mots, peints à même la surface, participent de ce tumulte. Combas adopte une esthétique volontairement saturée, proche de la surcharge cognitive contemporaine.
Cet excès n’est pas décoratif. Il incarne la brutalité du monde, son absurdité parfois grotesque. Le spectateur est immergé, pris au piège d’une narration éclatée. L’image ne propose plus une lecture unique, mais une expérience totale. On pense aux œuvres de Jean-Michel Basquiat ou de Jean Dubuffet, tant dans l’énergie brute que dans la densité symbolique.
Une critique du pouvoir par l’humour noir
Derrière le foisonnement, Combas mène une véritable entreprise de subversion. Il tourne en dérision la figure du soldat, réduit à une marionnette sans pensée propre. L’ordre militaire, la virilité, le nationalisme : tout y est déconstruit. L’artiste use du grotesque pour révéler l’absurde. Ses personnages sont autant victimes que complices d’un système aveugle.
Le recours au registre burlesque renforce la portée critique. En faisant rire — parfois jaune — Combas désarme les discours de domination. Son œuvre ne cherche pas à édifier, mais à secouer.
Les Soldats de Combas est une série essentielle pour comprendre l’engagement pictural de l’artiste. Entre violence graphique et satire politique, elle synthétise sa vision du monde : un espace tragique, coloré, traversé de conflits absurdes. Pour les collectionneurs, ces œuvres représentent bien plus qu’un style : elles incarnent un moment de rupture, un regard libre sur l’histoire et ses représentations.
